La manade Papinaud, les débuts de la devise rouge et bleue

Nous sommes en 1871, la France et notre belle Camargue respirent… La guerre est terminée. Les troupeaux sont presque décimés. Quelques têtes de bétail errent en liberté du Bois des Rièges au Grand Radeau. Les manades Combet, Dijol, Lescot, Bancel et Saurel tentent alors de maintenir le cap.

En 1875, Théophile Papinaud de Vauvert, éperduement passionné de bious crée sa manade. Un cheptel où se melangent plus d’une dizaine d’origines differentes dont un lot de 30 vaches à une certaine Rédarès propriétaire à Terre Neuve, dans les environs du phare de l’Espiguette. Théophile Papinaud acheta aussi quelques vaches reproductrices à Monsieur Boissier de Nages vacataire du mas du Sauvage puis e fit acquéreur par la suite, des étalons.

Une manade de pure race Camargue. Joseph Yonnet avait tenté, avant que n’éclate la guerre de 1870-1871 d’injecter un peu de sang espagnol à son troupeau en le rafraichissement avec un apport du célèbre élevage espagnol Carriquiri mais il fut le seul, ses collègues camarguais ne suivant pas le cortège.

Mais Papinaud, insatisfait par les resultats de ses pupilles tenta d’en fera de même en 1885, et fait l’acquisition à Nîmes de quatre toros espagnols. Parmi ces quatre étalons, deux connurent une certaine célébrité en tant que cocardiers : Manjo-Bounet et l’Eclair. Ce croisement semble ne pas avoir été une réussite, car Papinaud cessait son expérience d’amélioration de la race par l’acquisition du sang espagnol.

Installé près du Cailar et du Grand Radeau, Papinaud renouvelle l’expérience en achetant à nouveau un toro espagnol à Yonnet six ans plus tard. Le résultat est famélique et Théophile abandonne l’idée de croisement et ne cherche désormais que la seule pureté de la race Camargue.

Papinaud opère dès lors une sélection stricte et draconienne, secondé par ses gardians et son fiston, Gustave.  Il maintient son cheptel fidèle à ses critères en faisant éliminer toute bête ne correspondant pas à son idéal
Les cocardiers de la devise rouge et bleu se montrent glorieux, tels que le furent Manje-Boure et l’Ecalir nommé ainsi en raison de son coup de revers sec et brutal. Ces deux cocardiers au sang espagnols furent les seuls à faire mentier Théophile quant à leurs origines. Les autres étaient des camarguais : Lou Caveirac, Lou Santen, l’Esquinau, Lou Parpaioun, l’Empeza, Lou Catalan, Lou Caraco, Lou Sabre, L’Envela et L’Estella.

Le nombre de courses fournies par la manade ressemblaient à un véritable marathon. Uniquement des courses completes et un jour de 1882 il y en eu douze dans la même journée.
Une activité grandissante et florissante. A l’epoque, pas de camions à moteur. Les courses se conduisaient des près aux arènes à travers les villes, à dos de cheval.

Un jour, au printemps 1884, Papinaud et ses gardians menèrent une royale jusqu’à Perpignan. Le voyage dura quatorze jours. Le convoi de quatre hommes traversa les villes de Lunel, Montpellier, Narbonne et Perpignan. Les valeureux pélots se nommaient : Francis Chabaud et son père, Guérin, et Chabaud dit « lou Chondre ». Gustave Papinaud ne faisait pas partie de la troupe car engagé pour son service militaire.

Arrivé à Perpignan, Théophile Papinaud installa son monde et la manade dans les meilleures conditions possibles car tous devaient rester plusieurs mois à Perpignan.

Tous les dimanches avait lieu un spectacle taurin, mais uniquement des courses landaises. Les beaux jours finis, la manade reprit le chemin du retour, fin octobre, sous une couche de neige fraichement tombée des cieux.  Le chemin retour fut plus rapide, le convoi emprunta la côte méditerranéenne er gagna le Cailar en une semaine à peine.

Papinaud organisa également un convoi vers la capitale, Paris, où une course fut donné en faveur des sinistrés des inondations du Midi de la France.

Mais plus fort encore et ne craignant pas les distances et les difficultés de déplacement, il fit courir à Oran entre 1895 et 1898. Papinaud eut à affronter des difficultés bien évidemment, en 1879 il fut contraint de faire pâturer sa manade en hiver sur des pâturages camarguais, parce qu’un industriel avait décidé de chasser les taureaux de leurs parcages.

En 1896 le fils Gustave Papinaud et son beau-frère Drouillon succèdent à Théophile Papinaud et peu après se brouillent et se séparent, Drouillon vendant sa part au marquis de Baroncelli. Les bêtes paissent alors dans les près de l’Amarée ou au Mas d’Icard.
Gustave Papinaud qui continue le labeur de son père fait achète un taureau à la famille Yonnet, c’était un étalon qui devint célèbre sous son nom de cocardier : L’Esquinau.

L’aventure de Gustave à la tête de la manade, tourna court, fauché, en 1903 par une maladie foudroyante.

C’est le bayle gardian Mathieu Raynaud qui prit la suite et fit croitre la réputation de la manade à la tête de laquelle lui succéda Joseph son fils en 1922,  ses petits-enfants Casimir et Jacques en 1945  puis plus récemment Marcel et Jean en 1959  avant que Fréderic ne rachète le troupeau en 1985.