BERENGER AUBANEL

BERENGER AUBANEL

BERENGER AUBANEL : « Aujourd’hui, il nous faut créer une Camargue 2.0, avec de nouvelles valeurs de respect, une économie plus importante, un public de passionné, pour que nos arènes continuent de briller sous les étoiles. »

Actuellement les deux manades Pierre Aubanel et Fils, et La Santenco Aubanel Baroncelli, nous sommes arrêtés depuis mars 2020, sans aucuns revenus.

Sur la saison 2020, nous avons fait une vingtaine de courses ainsi que dix abrivados. Financièrement c’est une catastrophe, nous avons une structure sur plusieurs domaines, 1600 ha de superficie, avec environ 700 têtes de taureaux. Nous avons immédiatement activé les aide du fonds de solidarité pour 2020, nous avons eu aussi les aides de la région, mais financièrement c’est quand même une catastrophe, parce que pour maintenir une structure comme la notre, il nous faut environ 800 euros par jour.

Le drame de l’histoire, c’est que nous avons du faire tuer des vaches, nous n’avons pas pu également entrainer nos taureaux de course, et comme vous le savez ils ont besoin d’être entrainé et repéré dès le plus jeune âge. C’est pour nous une difficulté majeure, car nous allons devoir sauter une génération de cocardier.

Au-delà de ça, nous avons quand même rebondi, avec des entraînements à huis clos avec des raseteurs qui ont bien voulu essayer nos taureaux. Nous avons pu les essayer en capea aussi, car nous essayons les anoubles en capea pour voir un peu leurs aptitudes. C’est une surprise pour nous cette année, nous les avons d’abord essayé en capea puis après à la course camarguaise. Même si c’est deux environnements différents, mais on arrive à repérer l’intelligence du taureau, c’est une bonne surprise pour nous. Une belle solidarité est née autour de nous, avec les jeunes raseteurs et gardians pendant ce moment covid, ce qui permet de maintenir l’élevage en parfait état.

On a cherché à optimiser les dépenses, avec de nouvelles mesures sur les frais fixes (pas les assurances malgré la forte augmentation), la MSA, un emprunt auprès du crédit agricole qui nous accompagne pour payer nos fournisseurs et salaires, lisser les charges également… Tout cela fait que nous avons pu résister à cette situation exceptionnelle.

Heureusement également que la saison 2019 a été une grande saison pour nous en terme de travail, avec les abrivado, mais aussi avec la nouvelle génération de cocardiers qui est bien sortie, avec Hermes, Heracles, Pierrot, Jaguar… Et on espère qu’ils continueront sur cette lancée en 2021 pour faire la joie des aficionas.

L’objectif de la manade est toujours le même, revenir en tête d’affiche en course camarguaise. Notre objectif, c’est vraiment la course camarguaise, les abrivado étant aujourd’hui plus difficile à réaliser. Les fêtes votives ont été arrêté et cela va être compliqué. Nous voulons axer sur les abrivado longues, en parcours ouvert, c’est ça la Camargue, les traditions…Nous devons respecter le taureau camargue, et cette liberté nous la retrouvons en parcours ouvert, pas dans un parcours fermé. C’est ce que nous allons exclusivement faire pour 2021 : Abrivado longue à parcours ouvert.

Nous devons faire attention à toutes les attaques contre nos traditions. Il ne faut pas oublier que le taureau camargue protège actuellement les territoires de Camargue, sans lui rien n’existerait.

La situation covid a fait prendre conscience de ce nous perdons, et aujourd’hui cette prise de conscience nous permet de nous dire qu’il va falloir sauver notre camarguais, sauver nos bious.

Les fêtes votives, aujourd’hui, doivent être restructurées… La Camargue, aujourd’hui, ne peut plus être comme avant. Aujourd’hui, les courses camarguaises, abrivado…ne sont pas assez rémunérées. Le constat est là, encore plus net aujourd’hui. Même en ayant une saison active, les bilans sont juste équilibrés. Pour ma part, j’ai deux métiers. Je travaille dans l’informatique, et je dois injecter de l’argent dans nos manades pour les préserver. Ce n’est pas normal que nous devions avoir d’autres activités collatérales pour subvenir aux besoins de nos manades.

Nous devrions pouvoir vivre de la Course Camarguaise, en Espagne c’est le cas avec la Corrida.

Mais aujourd’hui la rémunération des taureaux n’est pas suffisante… Bien sûr, les organisateurs ont beaucoup de mal à augmenter la billetterie… mais le public doit prendre conscience, qu’aller voir des taureaux, ce n’est pas aller voir un film au cinéma. C’est toute une logistique considérable pour trier un taureau, l’emmener dans les arènes, avec tous les risques qu’il y a en pays, pour l’encocarder…La rémunération des taureaux n’est plus adapté. Petit rappel sur les tarifs :

Un taureau jeune se loue 250 euros environ. A l’avenir 250 euros à 300 euros TTC bien sûr selon les taureaux. Si on calculait la marge dégagée, elle ne se suffit pas, à cause des soins et autres, ce n’est pas du tout rentable. Cela peut le devenir, mais si nous faisions un grand nombre de courses. On ne peut pas vivre que pour la gloire, ni l’histoire.

J’ai eu la chance d’avoir un père qui a été précurseur et mainteneur de nos traditions. Du coup nous avons quand même la chance de pouvoir faire les abrivado bandido , ainsi que la course camarguaise et les ferrades. Aujourd’hui, je le dit, il m’est impossible d’arrêter mon métier dans l’informatique, sous peine de peut être mettre en difficulté la manade.

Nos deux manades représentent environ 300 000 euros de frais par an. Voilà la réalité !

Les objectifs de nos 2 manades :

Les fêtes votives vont redémarrer normalement en juin, mi juin… juillet normalement sans jauge… nous l’espérons, nous avons espoir.

Les courses camarguaises, mais aussi les accueils en pays, visites…

L’objectif commun est clair : que tout cela redémarre !

Avec l’association Solidarité Camarguaise aussi, nous avons pu voir un élan incroyable de solidarité. Cela nous conforte dans le fait de continuer à développer notre culture, la faire connaitre. Une nouvelle génération de manadier va ressortir de cette crise, même si certain ce sont arrêtés …

2021, pour nous les manadiers est important, c’est une année où nous allons levés les tridents.

1921, c’était mon ancêtre Baroncelli avec les afecionas qui avaient levé leurs tridents. 17 novembre 1921, Nîmes a reçu la levée des tridents, et grâce à ce grand défilé traditionnel, mon ancêtre a pu influencer les tribunaux dans le bon sens. On a sauvé la camargue, nos traditions au travers de cette levée des tridents.

En 2021, ce sera le centenaire ! Nous allons donc organiser en novembre (si possible) la levée des tridents pour soutenir notre art de vivre, nos traditions, la Camargue…

De mon côté, on m’a appelé le manadier 2.0, je pense qu’aujourd’hui il faut créer une Camargue 2.0. Avec de nouvelles valeurs de respect, une économie plus importante. Un public de passionné, il faut que nos arènes continuent de briller sous les étoiles.

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