COVID-19 // Impacts sur les manades estimés à 3 011 313 euros de pertes sèches

COVID-19 // Impacts sur les manades estimés à 3 011 313 euros de pertes sèches – PHOTO MICHEL NAVAL

FEDERATION DES MANADIERS : NOTE DE CONJONCTURE COVID19 DU 6 AVRIL 2020

Depuis ce vendredi 13 mars 2020, les élevages de taureaux et chevaux de race Camargue (manades) demeurent pleinement impactés par la crise sanitaire du COVID 19 ; De nombreux impacts affectent durement les éleveurs de taureaux et chevaux camargue, dont l’activité repose essentiellement sur les activités agro-touristiques, culturelles et évènementielles ; De plus ces exploitations singulières se caractérisent par des charges de structures particulièrement importantes (75%), liées à la gestion singulière des manades (gestion de grands espaces et de cheptels sauvages, systèmes purement extensifs …).

Les pertes sèches estimées entre le 13 mars au 31 mai pour les 116 manades de la FDM s’élèvent à 3 011 313 euros, pour des charges identiques, voire augmentées par une conduite de troupeau modifiée (fourrages, augmentation du cheptel par baisse d’abattage viande).

La Fédération des Manadiers mobilise les pouvoirs publics sur une situation des manades qui est GRAVE dans le sens où ces structures ont à faire face à des impacts majeurs, et un contexte de crise structurelle qui perdure.

En complément des mesures annoncées par l’Etat et les collectivités, avec le soutien des représentants agricoles et consulaires et territoriaux, il est indispensable pour les manadiers, de façon très urgente, de mettre en place tous les moyens pour :

  • –  Un gel immédiat des charges de structure : loyers, fermage, assurances, crédits et traites, charges sociales et MSA (et non un report)
  • –  Un fond d’aide d’urgence pour les charges d’exploitation : fourrage et aliments, frais vétérinaires, entretien des clôtures et matériels, complémentaire des fonds de solidarité de l’Etat
  • –  Un message fort auprès des banques, afin de subvenir aux besoins de trésorerie des exploitations par le gel des échéances de crédit et traites sans surcoût

Rappel : les manades en quelques chiffres

En 2020, 116 manades ont adhéré à la Fédération des Manadiers (organisation professionnelle créée pour promouvoir et accompagner la structuration de la filière professionnelle).
Les manades se répartissent principalement dans les zones humides du pourtour élargi de Camargue (Bouches du Rhône (43 manades, soit 37% des manades adhérentes), Gard (45 manades, soit 39% des manades adhérentes, Hérault (26 manades, soit 22% des manades adhérentes), Aude (2 manades, soit 2% des manades adhérentes)). Ces exploitations agricoles singulières, les manades, entretiennent 25 000 hectares (à 95% de parcours de type marais, sansouire, enganes) par l’élevage purement extensif de 20 000 bovins de race de taureaux camargue (espèce endémique raco di biou), et de chevaux de race camargue, indispensables pour la manipulation du bétail.

Ce bétail est élevé pour la sélection de course camarguaise (726 courses camarguaises/an, 3000 spectacles/an de traditions camarguaises type abrivado, bandido (source : FFCC 2017)), faisant la raison d’être des manades, mais paradoxalement, une très faible partie de leur chiffre d’affaire. Le revenu des manades repose principalement sur l’activité touristique (ferrade, journée en manade, restauration, hébergement), la production de viande (valorisée grâce au label AOP taureau camargue) et produits carnés transformés, pour quelques exploitations, la diversification agricole (céréales, fourrage, bovins viande..), et enfin les aides agricoles (PAC).

Le fonctionnement d’une manade « type » repose sur surface agricole utile de 528 Ha pour 260 bovins, et l’emploi de 1,5 ETP et l’aide de gardians amateurs, qui par passion des cultures camarguaises, participent aux manifestations culturelles et sportives (source : « Elevages de taureaux de race di biou, chambre d’agriculture des Bouches du Rhône, 2009).

Ces exploitations agricoles familiales propres à nos territoires ont un équilibre économique fragile qui perdure désormais de façon structurelle. Les impacts liés au COVID19 ajoutent une crise conjoncturelle sans précédent face auxquels les manades ne pourront faire face qu’avec un appui déterminé des collectivités et de l’Etat.

Contrairement à une exploitation agricole classique, la structuration économique des manades se caractérise par des recettes principalement liées aux activités culturelles, sportives, et touristiques et d’importantes charges de structures.

RECETTES D’EXPLOITATION
(Source : « Elevages de taureaux de race di biou, chambre d’agriculture des Bouches du Rhône, 2009)

  • Courses camarguaises, spectacles et traditions : 27%
    Tourisme : journées camarguaises /hébergement restauration: 31%
  • Viande : 9%
  • Aides : 33%Cette étude réalisée il a plus de 10 ans, laisse entendre à ce jour une augmentation de la proportion de recettes liées à l’activité tourisme au détriment de l’activité course camarguaise.

    CHARGES D’EXPLOITATION : de très lourdes charges structurelles
    Les postes de charges types d’une manade se répartissent clairement entre :
    (Source : « Elevages de taureaux de race di biou, chambre d’agriculture des Bouches du Rhône, 2009)

 Les charges d’exploitation (25%) : Achats de matières premières et prestations agrotouristiques, pour l’élevage (fourrages, frais vétérinaires, semis, amendements et exploitation des surfaces fourragères), pour la course camarguaise et spectacles tradition camargue (gasoil, assurances, matériels).

 Les charges de structures (75%) (dont charges sociales, salaires et MSA : 32%) dues quelle que soit l’activité économique générée.

L’activité des manades se structure autour d’une forte saisonnalité, parfois aléatoire (activités sportives, touristiques), déployée de mars à novembre.
Les charges de structures sont elles réparties de façon homogène sur l’année, avec une augmentation parfois importante en hiver/ printemps, liée à l’achat de fourrage, aux intempéries, etc.

Ainsi, la gestion de la trésorerie des manades est un point de vigilance particulier, qui repose sur la capacité des manadiers à s’appuyer sur les ressources propres de l’exploitation, ou à s’entourer de solides partenaires financiers (banques, fournisseurs …).

La conjoncture socio-économique des manades
Depuis plusieurs années, les manades se confrontent à une crise structurelle liée à :

  •   D’une part, une évolution de la demande touristique sur laquelle les manadiers ont peine a être lisible et attractifs, structurer un marché de la viande en vente directe et transformée, palier les difficultés d’accès au foncier, les enjeux de transmission des exploitations, l’impact négatif des lobbies animalistes.
  •   D’autre part, la difficulté à valoriser économiquement l’ensemble des impacts positifs que les manades produisent sur les territoires :
    • –  La compétence à élever des taureaux sauvages destinés aux cultures camarguaises, et contribuer à générer des flux financiers estimés à 30 Millions d’euros sur les territoires.
    • –  L’entretien et le maintien de zones sauvages pauvres (sansouires, marais, ect)
    • –  La lutte contre les incendies/ inondations,
    • –  Le développement de la biodiversité,
    • –  L’attractivité culturelle et touristique des régions avec l’image du « taureau/cheval »,et l’attrait de paysages caractéristiques, le cadre de vie et lien social
    • –  L’enrichissement de l’offre culturelle (spectacles liés aux traditions camarguaises) etgastronomique
    • –  La faible rémunération des courses camarguaises et spectacles de tradition typeabrivado/bandido

      Enfin, les manades ont été pénalisée en 2020 par deux crises conjoncturelles indépendantes, impactantes :

      – L’augmentation des primes d’assurance (multiplication par cinq de la responsabilité civile professionnelle spectacles de tradition)
      – La crise sanitaire du COVID19 : gel des recettes et maintien des charges

      L’impact de la crise sanitaire du COVID 19 pour les manades

 Impacts sur les recettes des manades

La crise sanitaire du COVID19 impacte les manades dès le départ de la saison de « recettes » (près de 3/4 des recettes des manades sont issues du tourisme et d’évènements (sportifs /culturels)) ;
De plus, les recettes liées à la viande sont aussi affectées, du fait que l’abattoir Alazar et Roux de Tarascon (seul de la zone AOP) ne génère plus de ventes de taureau Camargue.

Les manadiers ont à ce jour comme seule ressource la vente directe de viande ou produits carnés transformés, et ce par les circuits courts structurés dans l’urgence (à ce jour peu lisible pour les consommateurs, autant que pour les producteurs).
Les aides agricoles (PAC) sont quand à elles versées avec plusieurs moi ou années de retard aux éleveurs.

Quelques chiffres :

  • ➢  La note du 17 mars 2020 de la Fédération de Française de Course Camarguaise fait état d’une perte de 407 900 euros pour les manadiers (118 courses camarguaises annulées), entre le 13 mars et le 5 mai 2020.
  • ➢  Estimation des pertes d’activités estimées par les manadiers au 6 avril 2020, sur la période du 13 mars au 31 mai 2020, (évaluation basée sur les déclarations de pertes sur un échantillon de 21 manadiers) : 3 011 313 euros sur 2,5 mois (du 13 mars au 31 mai) pour 116 manadiersA noter que ces estimations portent sur le début de saison, le cœur de l’activité des manades étant de mai à septembre ;

     Impacts sur les charges des manades

    Pour les exploitations concernées, le personnel salarié des manades recourt au chômage partiel; en l’absence de main d’œuvre, les cheptels sont organisés de façon à minimiser les manipulations, tout en assurant les soins impondérables (soins vétérinaires, vermifugation, bouclage des naissances…).

    Le cheptel qui ne peut être envoyé à l’abattoir conduit à une surconsommation de fourrage pour les exploitations.

     Impacts en terme de conduite d’élevage
    Les rassemblements publics et mesures de confinements ne permettent pas la mise en place de courses camarguaises, indispensables à la sélection du bétail ; quid sur les impacts de courts et longs termes ?

    FACE A CES IMPACTS, LES MANADIERS EXPRIMENT :

– Une difficulté de gestion de trésorerie (avance de salaires, achats (fourrages, vétérinaire, ect), paiement des prets traites factures…

  • –  Un dialogue difficile avec les banques
  • –  Une difficulté à comprendre les mesures possibles destinées aux manadiers,également d’une région à l’autre
  • –  Une crainte de ne pas pouvoir faire face aux frais dans les semaines quiarrivent

    A ce jour, les actions entreprises par la FDM (Fédération des Manadiers) consistent à :

  • –  Faciliter l’accès aux aides pour les manadiers, et faire connaître les mesures exceptionnelles déployées par l’Etat et les collectivités (relai d’information)
  • –  Appuyer le développement de la promotion et vente de viande / produits carnés des manades en vente directe, notamment en informant des réseaux déployés récemment (régions PACA, Occitanie, Eleveurs 13, AOP taureau camargue, CIVAM…)
  • –  Diagnostiquer les impacts et besoins des manadiers et assurer une remontée d’information auprès de l’Etat, des collectivités et consulaires, de façon régulière
  • –  Renforcer la coopération avec les associations et le territoire (Association des Eleveurs de Chevaux Camargue, Fédération Française de Course Camarguaise, …)
  • –  Travailler déjà à des perspectives qui seront indispensables pour palier la criseNéanmoins une réponse forte de l’Etat et des acteurs des territoires est attendue par les manadiers. De façon très urgente, en complément des aides mises en place par l’Etat, nous demandons auprès des élus de l’Etat et des Collectivités, et représentants agricoles :
  • –  Un gel immédiat des charges de structure : loyers, fermage, assurances, crédits et traites, charges sociales et MSA (et non un report)
  • –  Un fond d’aide d’urgence pour les charges d’exploitation : fourrage et aliments, frais vétérinaires, entretien des clôtures et matériels, complémentaire des fonds de solidarité de l’Etat
  • –  Un message fort auprès des banques, afin de subvenir aux besoins de trésorerie des exploitations par le gel des échéances de crédit et traites sans surcoûtLes manadiers sont depuis de nombreuses années confrontés à une crise structurelle importante, une trésorerie souvent déjà affectée, et ne pourront sans ce dispositif d’aide, maintenir leurs activités.

    Arles, le 6 avril 2020

    Fédération des Manadiers Pour le bureau
    Florent LUPI, Président