FAROUK : L’art du mouvement

Devenu incontournable dans l’art de la course camarguaise en moins de 2 ans, Farouk Boukraa nous raconte ce qui l’anime dans son travail et ce qui l’a amené à faire de son art un métier.  Né en 1971, il a grandi à Pérols. Il est plongé dans l’univers de la course camarguaise très jeune grâce à Daniel Siméon, et c’est par un hasard hors du commun qu’il découvre la peinture. Longtemps resté dans l’ombre, son travail est remis au goût du jour par les réseaux sociaux en 2016. Il décide alors de démissionner de ses fonctions à la mairie de Pérols pour se consacrer à la peinture et à la création d’œuvres sur le thème du taureau. Farouk est un artiste passionnant et passionné. 

FAROUK : L’art du mouvement

Devenu incontournable dans l’art de la course camarguaise en moins de 2 ans, Farouk Boukraa nous raconte ce qui l’anime dans son travail et ce qui l’a amené à faire de son art un métier. 

Né en 1971, il a grandi à Pérols. Il est plongé dans l’univers de la course camarguaise très jeune grâce à Daniel Siméon, et c’est par un hasard hors du commun qu’il découvre la peinture. Longtemps resté dans l’ombre, son travail est remis au goût du jour par les réseaux sociaux en 2016. Il décide alors de démissionner de ses fonctions à la mairie de Pérols pour se consacrer à la peinture et à la création d’œuvres sur le thème du taureau. Farouk est un artiste passionnant et passionné. 

Quel parcours d’artiste as-tu emprunté ?

FB : C’est le fruit du hasard! En 2000,  en rentrant d’une soirée avec un ami qui souhaitait se mettre à la peinture, nous avons décidé de sortir des toiles et de peindre. Une fois notre essai terminé, mon ami trouvait que mon travail était intéressant. J’avais réalisé un portrait à l’identique. Au vue du résultat, mon ami  acheta une trentaine de toiles vierges et me proposa de participer à une exposition prévue à la Grande-Motte au Casino. Je réalisai vingt-cinq toiles pour l’exposition dont vingt étaient des paysages ou des séquences de courses. Je partais d’une photo pour réaliser une toile à l’identique. Sur les cinq toiles restantes, je fis ce fameux taureau en mouvement que j’avais en tête. Ces cinq toiles se sont vendues tout de suite et les autres dans la foulée. Il ne me resta aucune toile. Je vendis tout. On peut dire que le premier coup d’essai fut le bon. Au début, je m’en suis tenu à cette expérience. Je me contentais de faire quelques peintures comme ça. Je travaillais à l’époque à la mairie de Pérols et je ne pouvais pas tout faire. En  2016,  j’ai été contacté par des gens sur les réseaux sociaux. Ils avaient vu quelques unes des toiles réalisées pour des proches et voulaient m’en commander. Tout s’est ensuite enchaîné. En juillet 2016, j’ai démissionné de mes fonctions à la mairie de Pérols pour me lancer dans l’aventure.

Pourquoi l’art taurin ?

FB : Depuis tout jeune, je fréquentais l’école taurine de Pérols avec Daniel Siméon et je me suis immergé très tôt dans cette culture. A l’époque je côtoyais Mouloud Bensalah, les frères Dengerma, Samir Benzegh, avec qui j’ai grandis. J’ai commencé très tôt. Certainement trop tôt… J’ai fait 2 ans dans la catégorie des courses de protection. Puis quand je suis arrivé à l’âge de commencer ma carrière de raseteur professionnel, j’en avais déjà marre. Je ne me voyais pas faire une carrière, je suis quelqu’un qui n’aime pas avoir de chemin tracé. A cette époque je voyais énormément de courses. Je suivais Christian Chomel et Jacky Siméon. J’adorais être en contre piste car j’avais l’impression de vivre la course. D’en bas, la perception du mouvement d’un taureau ou d’un raset change : on est concentré sur l’action. Dans les gradins, on a toujours l’impression que c’est beaucoup plus facile.  De plus, on y est souvent distrait. En bas je vivais les sensations au plus près. C’est à cette période que s’est imprimé le mouvement que je retranscris aujourd’hui dans mon dessin le plus connu.

Ton œuvre la plus connu représente un taureau en mouvement dans un raset. Comment fais-tu pour retranscrire le mouvement dans une peinture qui par définition est fixe ?

FB : La première fois où je me suis retrouvé devant une toile blanche, c’était une évidence. J’arrivais à retranscrire ce mouvement instinctivement. Je me mettais à la place du spectateur et j’arrivais naturellement à donner cet effet. En même temps, il est difficile pour moi d’expliquer comment j’y parviens… Ce mouvement est imprimé dans ma mémoire et c’est aussi ça le fond de mon travail. Sans ce mouvement, cela n’aurait aucun intérêt. 

As-tu une formation artistique ? Quelles sont tes inspirations artistiques ?

FB : Non, je suis autodidacte. Je développe mon esprit créatif au fur et à mesure de mes créations. Je travaille uniquement au développement de mes idées. J’en ai encore beaucoup. Je ne veux pas regarder pour l’instant ce que font d’autres artistes par peur d’être influencé par leur travail. Je ne veux pas altérer ma vision d’artiste et mon inspiration. J’ai trouvé mon style, cela plaît, je m’en tiens à ça. Ça me démange de voir ce que font d’autres artistes. En même temps, je réfléchis beaucoup au mouvement que je réalise et aux couleurs que je souhaite mettre sur mes peintures. J’aime les couleurs vives, les projections de peinture sur les toiles. Je trouve qu’elles apportent une touche pétillante supplémentaire à mon travail et à l’esprit que je souhaite lui donner. Je cherche à m’améliorer tous les jours. Je suis ravi des compliments que j’entends au sujet du mouvement que je retranscris. Ce sont toutes ces années passées en contre piste qui m’ont permis de trouver ma signature d’artiste.

Parlons un peu plus de ce dessin qui t’a fait connaitre, pourquoi n’y a-t-il que le taureau ?

FB : J’ai essayé de retranscrire des paysages trait pour trait et je n’avais pas tellement de demande sur ce type de peinture. C’est aussi très fatigant car cela demande beaucoup de concentration sur une longue période. Ça ne m’amusait pas. J’ai donc épuré mon travail petit à petit jusqu’à arriver à ce taureau en mouvement avec un univers de couleurs autour. Je suis arrivé à ce mélange pétillant. Cela rend mon travail accessible à des néophytes de la course camarguaise. J’ai parfois envoyé des toiles en Suisse, en Belgique ou en Allemagne. J’ai de la chance,  je connais beaucoup de monde dans le milieu de la course camarguaise et mon travail leur parle aussi. Ce taureau en mouvement leur rappelle forcément un instant qu’ils ont vécu comme  spectateur ou comme raseteur.

Aujourd’hui, tu vis de ton travail d’artiste. Quel a été ton parcours pour en arriver là ?

Quand j’ai démissionné en Juillet 2016, je partais quasiment de zéro. A l’exception de quelques personnes qui me connaissaient sur Facebook, c’était l’inconnu. Cette décision fut difficile à prendre : je quittai un emploi stable pour me consacrer à la peinture et entrer dans l’incertitude. Cela engendre des doutes. J’ai mis tous mes atouts en avant et pendant 6 mois je travaillais mon style. Je me suis tissé un réseau d’exposition dans des commerces de Montpellier et également en Camargue où j’ai  laissé des toiles pour me faire connaître. J’en avais toujours quelques unes dans ma voiture que je montrais en espérant les vendre. Tout s’est ensuite enchaîné. Aujourd’hui, je ne travaille que sur commande et je suis contraint de me limiter car j’ai beaucoup de travail. Je ne veux pas être dépassé car j’aime aussi prendre le temps d’acheter mon matériel et continuer à voir du monde. Un des aspects qui me plait beaucoup dans mon métier est d’aller à la rencontre des gens pour faire connaitre mon travail. Je ne veux pas déléguer ça. Je me diversifie : en plus de mes toiles, je reproduis mon travail sur des tonneaux ou sur d’autres supports. J’ai pu réaliser des fresques murales pour la ville de Pérols.

Tu réalises des toiles mais pas que…

FB : L’idée m’est venue en promenant du côté de Carnon. Je suis tombé sur quelques commerces qui avaient des tonneaux bruts… Je suis parti acheter deux tonneaux pour faire des essais. J’ai reproduit mon taureau, puis là aussi tout s’est enchaîné. Une fois la photo postée sur les réseaux, je me suis retrouvé avec quatre-vingts tonneaux à réaliser. Je maintiens ce chiffre, même si j’ai beaucoup plus de commandes. Le temps passé à la réalisation est très important. Le support est différent de la toile, il demande plus de temps. J’ai donc dû  travailler pour reproduire le mouvement sur ce support. De plus, je ne travaille qu’à l’extérieur. Je suis donc soumis à la météo.

J’aime également peindre sur des palettes, des tuiles, des fresques murales, ou encore sur les vêtements. Je peins ce qui me semble avoir un bon rendu. Je tente, j’adore l’idée de ne pas être limité à un seul support.

Aujourd’hui que tu es un artiste accompli, quel est l’axe que tu souhaites explorer dans ton travail ?

FB : J’aimerais expérimenter plusieurs thèmes qui sont en lien avec la Camargue. Je travaille déjà des variantes de mon style pour le faire évoluer. Je réfléchis surtout la nuit car la journée je suis rattrapé par les commandes. J’aime faire des nus également. Mais dans un avenir proche, je veux développer plus d’évènements où je peins en direct comme j’ai pu le faire dans les arènes de Palavas. J’adore travailler sous la pression. C’est dans ce genre d’exercice où je n’ai pas droit à l’erreur, que je réalise les plus belles toiles. Je me focalise sur l’essentiel. En dix minutes, j’arrive à sortir une toile. Je retrouve l’appréhension que l’on peut ressentir avant de raseter : cette montée d’adrénaline que l’on transforme en plaisir et en création. Peindre en public me motive plus qu’être restreint à l’espace d’un atelier. Je veux aller vers là car ça me plaît beaucoup. Je pense peindre sur ce thème encore dix ans et passer ensuite à autre chose, tout en restant au contact des gens.

Justement je souhaitais te rencontrer dans ton atelier mais tu n’en possèdes pas. Pourquoi ce choix ?

FB : J’ai la chance de travailler sur commande. Je n’ai pas de stock. Je suis d’ailleurs embêté pour les expositions car je dois parfois récupérer des toiles que j’ai déjà vendues. Je peins à l’extérieur. Je ne me change pas non plus pour travailler si bien qu’aujourd’hui je n’ai plus rien à me mettre. En même temps, quand je me mets au travail, je me vois mal me changer : aller dans mon atelier dédié à la peinture etc. L’art est une partie de moi : je le réalise où je veux et quand je le souhaite. J’essuie mes pinceaux sur moi. J’ai de la peinture partout car je projette beaucoup de peinture sur mes supports. C’est grâce à cela que j’arrive à créer le mouvement que je donne. C’est comme ça que je veux travailler. Ce n’est pas un costume que je porte à certaines occasions, c’est vraiment ce que je suis. 

Pour terminer, quelle est ta vision de la course camarguaise ?

FB : Je n’ai jamais connu une sensation semblable à celle ressenti face à un taureau. On met sa vie entre parenthèse l’instant de quelques secondes. Peu importe le niveau auquel nous avons pratiqué cette sensation. Cette sensation est commune à tous les raseteurs. J’ai un immense respect pour cet univers : aussi bien pour les raseteurs que pour les manadiers qui le font vivre.

 Même si, aujourd’hui, je suis un peu en marge de tout ça, j’ai conservé ce souvenir qui me rend service. De  12 à 18 ans j’ai parcouru la Camargue, suivi beaucoup de courses. Mon travail est issu de cette expérience. Je cherche à transmettre ce ressenti à celui qui regarde mes peintures. Grâce à tout cela, je vis ma passion d’une autre manière. Elle me convient mieux. A une période, j’ai fait une coupure par usure, je me suis arrêté à la fin de carrière de Christian Chomel, Thierry Ferrand. De cette période, j’ai tout gravé dans ma mémoire. Les entraînements au frontal avec Daniel Siméon sont des souvenirs impérissables.  Je retourne aujourd’hui aux courses avec plaisir. Je vois de nouvelles choses que je n’avais pas vues, toujours en contre piste, même si je connais moins la nouvelle génération.

Vous pouvez retrouver Farouk Boukraa sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram où il publie pas mal de ces œuvres. Vous pouvez lui en commander.