L’ère Fernand Granon…
Fils de Fernand Pierre Granon et Anna Combet, Fernand Granon est né un 5 octobre 1882 au Cailar.
Son père, qui lui a donné son second prénom, est viticulteur et caresse le doux espoir de voir son fils devenir un grand exploitant en vin. Mais depuis petit, Fernand traine ses « brailles » dans les pâturages cailaren au cœur de la manade dirigée un temps par son grand père Charles « Charlé » Combet puis par Laurent son oncle.
Après des études au Lycée Daudet à Nîmes, le jeune Fernand Granon reprend les destinées de la manade en 1906, au grand dam de son paternel. Une seule idée en tête : perpétuer la plus grande race de taureaux sauvages de Camargue.
Fernand met en place une méthode propre à la devise rouge et verte avec quelques points cardinaux indispensable dans sa quête de la manade parfaite : choisir un étalon sur les critères physique et esthétique afin que le taureau de Granon ait une silhouette reconnaissable entre mille.
Un Dicton disait…
Ne jamais vendre une bête à un autre manadier pour limiter la concurrence et privilégier les taureaux petits, car plus rapides, prompts et dangereux.
Rapidement quelques cocardiers donnent satisfaction au manadier du Cailar. Les taureaux Belvita et N’a Pas Qua entre autres drainent une foule considérable aux arènes et font croitre la réputation de la devise. N’a Pas Qua qui doit son nom à une infirmité, est redoutable. Il a les cornes en arrière, est vif, brutal et rapide. Belcita est plus classique, plus cocardier, mais redouté des tenues blanches.
Retenu sur le front durant la guerre 14-18, Fernand confie les rênes du troupeau à sa mère Anna, la sommant au passage de ne pas vendre de bêtes sous peine de devoir en racheter à son retour. Mais Anna qui s’occupe de facto du troupeau et de son frère Laurent, gravement malade, est dépassée et le nombre de tête de bétail augmente à vue d’œil. De retour en permission Fernand décide d’en faire abattre soixante-douze afin de soulager sa mère d’une charge de travail trop importante.
C’est durant cette période que va naitre l’un des taureaux de légende de la manade et de l’histoire de la course libre, Le Sanglier. Le manadier et son cocardier vedette, Le Sanglier demeurent indissociables dans la légende. Pourtant, il n’aime pas voir Le Sanglier en piste, tant l’angoisse qu’il se blesse le ronge. Fernand l’aime plus que tous les autres taureaux de la manade. Un jour, après une bagarre dantesque avec les étalons Artilleur et Duc, Le Sanglier se blesse à un testicule. Fernand Granon et ses gardians conduise le fauve dans la cour de la « maison aux volets vert », au Cailar.
C’est là que Fernand décide de garder son taureau durant sa convalescence. Sa mère Anna lui donne même à manger par la fenêtre du salon. En juillet de la même année, le célèbre cocardier réalise une course fantastique à Lunel. Son pélot en est rassuré, et décide de ramener sa vedette dans ses verts pâturages. Le lendemain matin le Sanglier se fait la malle et Fernand le retrouvera couché devant le portail de la maison familiale et ne retournera plus jamais avec le troupeau.
Mais être un l’un des plus grands gardians de l’histoire amène inéluctablement son lot de détracteurs. Un jour, en Arles, Le Sanglier doit faire face à une trentaine de raseteurs, qui l’appellent de toutes parts. De plus, les portiers n’ouvrent pas le toril à l’issue des quinze minutes réglementaires, et le cocardier doit patienter dix minutes supplémentaires. Son comportement en piste s’en ressent, et des insultes fusent, certains en venant même aux mains. Pour certains il s’agit d’un guet-apens visant à détruire la réputation de la manade et de son cocardier. Pour d’autre c’est la preuve que le fameux biou n’est pas autant sauvage que la légende le raconte.
Dès lors, Granon va préserver son cocardier et lui offre une despedida sur les terres paternelles d’Aigues-Vives, en présence du Président de la République, Gaston Doumergue. A sa mort, Fernand fit ériger une stèle en l’honneur du Sanglier, à l’entrée du Cailar, sur les terres qui l’avait vu naitre.
L’autre cocardier cher au cœur de Fernand Granon se nommait « Le Clairon ». Celui-ci fut baptisé ainsi en raison de sa corpulence imposante et au retour d’une course à Redessan en 1920, où Le Clairon fut meilleur que tous les autres.
La manade a le vent en poupe des années durant mais l’hiver 1929 est si rude, que le troupeau est décimé. Quatre-vingt-douze bêtes périssent par le froid. Le manadier Folco de Baroncelli-Javon , qui fait paitre au Cailar, lui propose d’échanger quelques anoubles afin que Granon se refasse et rafraichisse son sang. Une offre qu’il refuse poliment mais que le manadier cailaren va regretter. En effet son troupeau dépérit, comme rongé par la consanguinité. Physiologiquement, les accouplements entre membre d’une même famille, freinent le développement physique et les résultats en piste s’en ressentent.
Fernand Granon passe la main en 1937, date à laquelle il vend sa manade aux frères Delbosc de Lunel.
Malade et affaibli, il suivra dès lors l’évolution de sa manade, de loin, depuis « la maison aux volets vert ». Lorsque le camion conduisant les cocardiers passe près, un klaxon long retentit, les taureaux ont brillé ! Si trois coups se succèdent, ils ont été mauvais. C’est la consigne qu’il a imposé aux gardians, et cela, même après la vente de la manade à Jean Lafont.
Un homme qui a vécu avec passion le métier qu’il avait choisi. Un homme qui a connu les affres de deux guerres. Fidèle, amoureux de ses bêtes et de sa terre. Extrêmement fin et romanesque malgré une carapace bourrue, rustique, besogneuse. Un gardian révolutionnaire et poète qui s’est éteint le 3 juillet 1963.
Les frères Delbosc avaient pris le relais… à suivre.
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