Jadis en Camargue
Il y a 99 ans
Il y a 99 ans… Julien REY se mesurait avec l’immortel « Sanglier ». Né le 4 Août 1903, l’as des as Julien REY, fêtait ses 80 ans en 1983. Les anciens rêvent encore de cet extraordinaire taureau camarguais. Fait au moule, ayant pour lui les qualités primordiales de vitesse et d’anticipation. Alors que tous les yeux des nombreux spectateurs étaient braqués sur la porte du toril, sortait en trombe. Avec comme prime première, l’air de Carmen et l’ovation de tout un public à lui acquis.
Les jeunes cherchent à savoir et questionnent : il leur semble, que c’est impossible et pourtant. Presque infranchissable à droite, il se prêtait mieux à gauche.
Pour compléter ce taureau de légende, il fallait un digne partenaire : il se nommait Julien Rey. Il n’avait pas tellement fait parler de lui, mais par contre lui avait beaucoup entendu parler du Sanglier dans les conversations, qui animaient autant le Bar Taurin, que l’Express-Bar. Pourquoi pas après tout ne pas tenter sa chance ? Il fallait seulement oser.
Son premier essai
Le Beaucairois Julien Rey ne choisit pas la plus petite piste pour tenter son essai. Il se présenta le 31 août 1924 après s’être dépouillé de ses vêtements militaires et
» avoir fait le mur » du 7e Génie en Avi-gnon. Toutes les conditions paraissaient réunies pour faire un » coup de poker » , dans la grande piste de Nimes.
Les raseteurs habitués du Taureau-roi, plus souvent spectateurs qu’acteurs, regardèrent d’un air compatissant ce jeune homme porteur d’un béret, mais de blanc vêtu, avec un crochet dans la main gauche.
Ils lui conseillèrent de ne rien tenter, le risque étant trop grand; conseils inutiles, la décision était bien prise. Arriverait ce qui devait arriver : Il s’agissait ni plus ni moins que d’un banco.
Le taureau était dans sa querencia naturelle à droite du toril. Il n’eut pas besoin de se faire voir; le taureau partit avec lui et le mena de l’autre côté de la piste. Arrivé à la barrière, Sanglier se dressa avec vigueur et jeta notre Beaucairois au-dessus du podium des arènes. Il y avait eu forte bousculade, mais non pas blessure. Sur les gradins la surprise était totale et le qualificatif de » fondu » circula dans le public.
Pour Julien Rey, ce premier essai avait été concluant et les primes généreuses données par M. Olivier Brun ne l’incitèrent pas à faire un deuxième essai : Il avait eu parfaitement raison de ne pas s’exposer davan-tage. Il avait fait son entrée sur la scène taurine.
Il s’agissait de ne pas compromettre l’ave-nir.
Sa célébrité
Le nom de Julien Rey avait fait rapidement son chemin, et ce nom prit place sur les affiches en aussi grosses lettres, que celui du Sanglier. Ces deux noms ne pouvaient être dissociés.
Dix ans durant, Rey fut le maître incontesté des crocheteurs. Sans avoir rien appris de ce métier dangereux, il l’avait lui même façonné à son idée, à sa mesure. Son nom avait largement dépassé le cadre méridional.
Avant lui Louis Laplanche s’était fait remarquer mais par sa tenue impeccable en piste, sa connaissance rapide du caractère du tau-reau, sa manière d’exécuter le raset ; Julien Rey a été un exemple incopiable.
Il aura cette année 80 ans. Il n’est pas possible de laisser passer cet anniversaire sans l’honorer. La Municipalité, le Comité des fêtes, les Clubs taurins ont fixé au lundi fer août (Finale de la Palme d’Or) la journée anniversaire de Julien Rey. Il n’est pas de doute, que tout un peuple taurin ne vienne ce jour-là honorer le plus grand de nos rase-teurs, celui qui a donné un supplément artistique à notre course libre et même, pourrait-on dire, lui a donné ses titres de noblesse.
Il y a 50 ans, le Sanglier courait, et 20 ans, Granon mourait.
Le 9 juillet 83, le club taurin » Le Sanglier ** du Cailar organise une journée de commémoration.
Article rédigé par Mario, Le CAMARIGUO, Juillet 1983, N°127.