JOFFRE, le bombardier roux du Comte de Pastré

Joffre de Pastré, le barricadier volant au pelage de renard.

En 1956 le Comte de Pastré, achète la totalité des parts de sieur Nou de la Houpelière qui était son associé à la tête de la manade acquise au manadier Louis Robert en 1942.

Dans la décennie 1930-1940 des cocardiers réputés tel que Pratique – Grelot – Boer – Lieutenant qui était de couleur roux et surtout Juif qui fut vainqueur de la Cocarde d’Or en 1938 et 1939, firent la renommée de la devise bleue et blanche.

Dans les près de Bardouine, c’est le pélot de la maison, l’attachant René Jalabert qui mène les troupes. L’élevage saintois joue rapidement les premiers rôles de la course libre, les cocardiers Deserteur, Moussaillon, Cuilléras faisant la réputation de la devise, en remportant de grandes satisfactions et de nombreux trophées à leur propriétaire.

Parmi les cocardiers des plus célèbres de la course libre : Joffre.

Joffre un taureau au pelage roux, comme ses renards qui arpentent les roubines de la Camargue sauvage. Joffre fut baptisé par le bayle gardian, René Jalabert, en référence à un cocardier éponyme, roux lui aussi, à la belle notoriété, que le gardian avait connu chez son ancien patron, le manadier Robert.

La carrière de Joffre fut longue et palpitante, mais celle-ci eu bien du mal à démarrer. Au début Joffre courrait beaucoup, beaucoup trop, sautait, fracassait les barricades sans prendre la peine de s’intéresser au tenues blanches.

En 1958, à 12 ans, un âge relativement avancé pour un cocardier, le grand rouquin bascule dans une nouvelle dimension. A Mejanes il frappe fort aux planches, mais montre une certaine intelligence face aux hommes. Quelques semaines plus tard il réitère la performance à Saint Martin de Crau puis à Bellegarde pour les fêtes d’octobre avec notamment une envolée monumentale derrière Roger Pascal.

La nouvelle carrière de Joffre est désormais sur de bons rails. Le rouquin de Bardouine va faire vibrer les foules durant près de 10 saisons, jusqu’à l’âge de 20 ans. Du jamais vu.

Joffre était un taureau mobile, vif, puissant et agile. Difficile à fixer en début de quart d’heure car il courait beaucoup, le bijou de Bardouine, se fixait ensuite cul aux planches, comme en se fâchant. Et la gare au gorille. Le premier homme à tenter le diable pouvait être sur de sentir le souffle puissant du rouquin le propulser au-dessus des planches.

A Mouries, son arène fétiche, en septembre 1959 il impressionne et multiplie les coups de boutoir aux trousses des Falomir, Soler, San Juan et Pascal.

L’année suivante il remet ça… pas moins de 18 coups de barrières tous aussi puissants et explosifs les uns que les autres. Son envolée derrière André Soler demeure encore aujourd’hui comme l’une des photographies de légende la course libre.

La même année à Lunel, le cocardier à la devise bleue et blanche parait intouchable, seuls Cesar et Sicard osent l’approcher. Puis il revient à Mouries, où Soler enragé, se bat comme un beau diable pour lever une ficelle à hauteur de 45000 francs, provoquant une spectaculaire envolée face au mur de l’enceinte provençale.

Agé de 17 ans, Joffre est désormais ménagé par son pélot, mais mettait du cœur à l’ouvrage, à malmener les hommes, à briser les planches, à chacune de ses rares sorties, tirant toujours son épingle du jeu comme lors d’un quart d’heure monumental aux Saintes Maries de la Mer en juin 1966. Deux mois plus tard, il laisse les arènes de Mouries en lambeaux après une sortie époustouflante poursuivant avec férocité les raseteurs Rinaldi, Lacroix, Marchand et Geneste, entre autres.

Joffre fera ses adieux aux pistes un an plus tard, à 20 ans, le 21 aout 1967, devant son public, dans ses arènes fétiches de Mouries, archi-combles, sous une clameur indescriptible d’un public en liesse et d’un bayle gardian ému aux larmes.

Joffre vivra encore six années dans ses près de Bardouine qui l’on vu naitre. René, à l’occasion de ferrades ou de bistournages ne bouda jamais son plaisir de présenter « son » biou, maintenant paisible mais toujours aussi fier, aux aficiounas de passage, accompagné de son fils Serge qui bientôt prendra le relève.

Joffre sera inhumé le 21 mars 1973 à l’entrée du Mas, aux côtés du simbeu Miracle et du cheval Pied Blanc.