Roger Pascal, le gaucher sublime…

Roger Pascal, le gaucher sublime…

Roger Pascal est un gardois pur et dur. Il y est né un 30 aout 1932, à Gallician précisément. Son père est un aficiouna de la première heure et engagé au sein du club taurin local.

Roger passe sa plus tendre jeunesse près des taureaux, non loin des Iscles et la manade Blatière qui y fait paitre son bétail. Il se rend autant que possible dans les communes voisines du Cailar et de Vauvert afin d’assister aux courses, avec l’interdiction ferme et formelle de sa mère qui ne veut pas d’un raseteur à la maison.

Contre la volonté maternelle, Roger rasete quelques bestiaux « emboulés », et faire preuve d’une certaine dextérité, voire de facilité.

Remarqué par Jean Cabanis, ce dernier lui propose, alors que la saison 1953 touche à sa fin, de devenir son tourneur. Rappelons qu’à cette époque la course était encore « libre » et quiconque pouvait se vêtir de blanc. C’est ainsi que le 8 novembre 1953, Roger fit ses débuts alors qu’il n’est encore qu’un illustre inconnu. Un début des plus ambitieux puisque le galliciannais se présente au grand public sur le sable des immenses arènes de Nîmes le jour de la finale du Trophée des As. A ses côtés : du lourd ! Les frères Douleau, Fidani, Falomir, Dupont ou Volle.

Une première tonitruante. Le gaucher lève son premier attribut à l’imposant Sangar de Laurent puis va littéralement déposséder de son « encocardement » le futur Biou d’or 1958, Lopez de la manade Thibaud.

C’est le début de la gloire pour celui que ses amis surnomment « Béchique ».

En 1954 il se classe troisième du Trophée des As, second de la Palme d’or à Beaucaire et troisième à la Cocarde d’or. Une compétition qui lui passe sous le nez l’année suivante lorsque Lucien Volle d’un petit point remporte la victoire pour la septième fois.

Saison tronquée en 1956. Roger étant appelé sous les drapeaux durant la guerre d’Algérie, ce dernier ne peut concourir de toute la saison. Mais libéré de son office en octobre, il débarque à Marseille le 21 octobre, jour de la finale du Trophée des As à Nîmes. Bechique s’habille de blanc en chemin et entre en piste après la sortie du premier cocardier.

L’année 1957 fut un tournant. Cette année-là, Roger fait la connaissance de François Canto, Francis San Juan et André Soler avec qui il formera bientôt le célèbre Carré d’As. En juillet à Beaucaire il soulève son premier titre majeur : La Palme d’or.

Roger Pascal est un gaucher à la chevelure dorée. Un raseteur loyal, appliqué, esthétique et adroit. Il aime les rasets longs. Ces rasets débutés depuis l’estribo, en chargeant le taureau, afin que celui-ci vienne à sa rencontre pour ainsi former ensemble une courbe voluptueuse. Une aisance raffinée, alliée à une sobriété et une efficacité remarquable. Roger Pascal comprenait les taureaux mieux que quiconque au sein du quatuor.

En 1959, Roger effectue une temporada colossale de régularité et s’il ne remporte que quelques trophées de deuxième zone, le gaucher de Gallician va inscrire pour la première fois de sa carrière son nom au Palmarès du Trophée des As. Premier avec 644 points, soit presque 200 de plus que son dauphin Manolo Falomir (450).

8 juillet 1963 : la consécration. Dans les arènes d’Arles, après de nombreuses années aux places honorifiques, Roger Pascal remporte enfin, et haut la main,  la reine des compétitions : la Cocarde d’or, trente-troisième du nom. Cette saison il termine également second du Trophée des As et de la Palme d’or derrière son compère André Soler.

En 1964, Roger ne peut défendre son titre lors de la Cocarde d’or. La veille le cocardier Caissarguais de Fabre-Mailhan lui inflige l’un des rares coups de corne de sa brillante carrière.

La temporada 1965 sonna tragiquement la fin du Carré d’As. Le 10 mai, François Canto est gravement blessé à Beaucaire par le taureau Aureillois de Chapelle-Chauvet. Il succombe à ses blessures le lendemain matin. Cet épisode tragique sape littéralement le moral de l’élégant gaucher qui va vivre une temporada loin, très loin des places d’honneur habituelles. Il recevra même un coup de corne lors de la finale des As le 10 octobre en Arles, par Benjamin de Blatière.

L’année suivante en 1966 c’est un nouveau drame qui secoue la grande famille de la course camarguaise. Le 11 avril, Francis San Juan, autre membre historique du Carré d’As, trouve la mort dans un accident de la circulation, à 37 ans. Un malheur n’arrivant jamais seul, Andre Soler met un terme à sa carrière après une deuxième opération du genou qui tourna mal. Roger se retrouve orphelin, comme seul rescapé et délaissera peu à peu les podiums, laissant la vedette à la génération montante que représente les Rinaldi, Geneste et bientôt Castro.

Après deux temporadas passées au Trophée des Raseteurs, Roger tire sa révérence à l’âge de 40 ans en 1972 lors de son jubilé, organisé dans les arènes de Mouriès le 15 octobre. Vingt longues et belles années après avoir crocheté son premier attribut à Sangar de Laurent, Roger lève le dernier au taureau Cascaveu du Comte de Pastré et c’est la légendaire Fanfonne Guillerme qui viendra lui remettre son dernier bouquet en piste.

Passion chevillée au corps, Roger Pascal fonde en 1977 l’Association des Anciens Raseteurs aux côtés de Charles Fidani, Felix Castro et Maurice Rinaldi entre autres.

Il y a 10 ans, le 11 octobre 2009, sur le sable des arènes de Nîmes, piste dans laquelle il aura tant de fois excellé, le public lui réserve une ovation de gala à l’occasion du 50eme anniversaire de sa victoire au Trophée des As dans l’amphithéâtre nîmois.