VIDEO // Un moment à la manade Blatière Bessac – Un reportage de Dylan Reversat
VIDEO // Un moment à la manade Blatière Bessac – Un reportage de Dylan Reversat
1958 … naissance de Carré d’as…
André Soler, Roger Pascal, François Canto et Francis San Juan… un quatuor de rêve, le carré d’as, les quatre mousquetaires de la course libre. Le fameux Carré d’as, c’est le nom d’usage donné à la grande équipe de raseteurs composée par les tenues blanches les plus prodigieuses de la période 1958-1964.
Auparavant, « l’équipe » était un trio, du temps où André Soler, effectuait son service militaire jusqu’en 1957.
André Soler, le génial raseteur natif de Salon de Provence, considéré comme la locomotive de la bande. Certainement le plus talentueux. Qui n’a pas en tête ce légendaire cliché du photographe George où l’on voit le raseteur traverser la piste des Saintes Maries de la Mer, un 15 aout 1962, la main posée sur le frontal du grand Caraque de Laurent. Soler, l’esthète, et ce côté renégat, attachant et explosif à la fois. L’une des spécialités du salonnais : les rasets d’attaque. Un véritable guerrier, un cascadeur qui n’hésitait pas à rentrer dans le terrain du taureau, quel qu’il soit. Au cours de sa riche carrière en blanc, Andre Soler remporta à six reprises le Trophée des As, dont cinq fois d’affilée de 1960 à 1964, mais aussi trois cocardes d’or en 58,60 et 64 et quatre Palme d’or en 58, 62,63 et 64.
A ses côtés, Francis San Juan. Le plus âgé de la troupe, né en 1929 et donc 29 ans lors de l’éclosion du Carré d’As est déjà un compétiteur chevronné, à la carrière brillante, ayant fait une moisson de trophées. Le raseteur Lunellois a notamment remporté en 1962 la prestigieuse Cocarde d’or. Sportif de haut niveau, travailleur acharné, considéré par les puristes comme l’homme de la « bourre », capable d’affronter n’importe quel taureau. San Juan fait partie à cette époque de l’élite de la course libre, en mentor pour ses trois collègues de piste.
Troisième larron et non des moindres : Roger Pascal. Surnommé « Bechique », Roger Pascal est un gardois pur et dur puisqu’il naquit à Gallician un 30 aout 1932. A ses débuts en 1953, ce jeune prodige du raset lève son premier attribut au fameux et réputé cocardier Sangar de la manade Laurent alors qu’il n’est encore qu’un inconnu. ce gaucher au physique surpuissant demeure encore aujourd’hui comme l’un des raseteurs les plus célèbres de l’histoire de la course camarguaise. En 1956 il est libéré de son service militaire in-extremis le jour de la finale du Trophée des As. Débarqué à Marseille, le galliciannais s’habille en chemin et entre sur le sable des arènes de Nîmes alors que le premier taureau est déjà en piste. C’est en 1957 que le jeune et téméraire gaucher fait la connaissance de ses trois autres comparses. Sa spécialité : les rasets longs, à la fois crispant et langoureux, en dessinant au plaisir, un arc de cercle depuis les barricades. Durant sa brillante carrière, Roger Pascal souleva une multitude de prix avec notamment une victoire au Trophée des As en 1959.
Et enfin, Canto, François de son prénom. Un garçon charmant, un sourire d’ange et un talent hors du commun. Né en région parisienne, François et sa famille s’installèrent en 1950 à Beaucaire, où son père fut employé de l’usine de ciment Calcia. En 1952, à la mort de son père, François descend dans l’arène pour la première fois. C’est en piste qu’il fit la connaissance, en premier lieu, d’André Soler avec qui naitra une amitié sincère, profonde et indéfectible. L’un encourageant l’autre, et vice-versa. Des quatre as du crochet, Canto était le moins habile, il manquait de main. En revanche, François Canto était un travailleur infatigable, un besogneux, un téméraire à la volonté impressionnante. Au cours de sa brillante carrière, ce beaucairois d’adoption remporta à plusieurs reprises la Palme d’or, dans son jardin à Beaucaire. Le 8 mai 1965 à Beaucaire, le cocardier Aureillois de Chauvet-Chapelle lui inflige un sévère coup de corne dont il succombera le lendemain.
Virat, ce cocardier de Légende.
Parmi les cocardiers les plus célèbres du XXIème siècle, celui de la devise rouge et verte, demeure comme l’une des plus grandes vedettes de la course libre. Virat, l’alliance de la glace et du feu. Une apparence tranquille, paisible, lisse et à la fois somptueuse et princière. En surface. Car à l’intérieur Virat est un véritable char d’assaut, prêt à fondre sur quiconque osera le défier dans les yeux. Instigateur, vif, alerte et méthodique, telles furent une partie des qualités de ce grand et brillant cocardier.
Un véritable savant du raset, un artiste de l’anticipation, passé maître dans l’art du placement, du coup de barrière. Un taureau à la prestance royaliste, le port de tête haut, l’allure fière, et doté d’une puissance naturelle des plus incroyables.
Virat est aussi le symbole de la montée en puissance, comme révolutionnaire de la nouvelle « manade ». Les couleurs sont toujours les mêmes, mais désormais les bious de la Tour d’Anglas, courent et concourent sous le nom de Nicollin.
Virat débute sa carrière au petit trot et sort peu jusqu’en l’an 2000 et effectue sa première sortie chez lui, à la tour d’Anglas où il finira ses jours.
En 1999 avec seulement trois courses de protections dans les pattes, il participe aux adieux de Patrick Siméon dans les arènes de Sommières. Quelques mois plus tard il sera baptisé de son nom dans les arènes de Beauvoisin, l’une des arènes fétiches de la devise.
L’ascencion est fulgurante. En 2001, Virat cours au Trophée de l’Avenir. Sept sorties toutes les plus impressionnantes les unes que les autres notamment à Marguerittes, Aigues-Vive ou Sommières. Virat fait remarquer sa vaillance et sa noblesse, dominant les tenues blanches de la tête et des épaules.
En 2002, la domination de Virat est presque insolente. Il rafle tous les prix. De la Provence jusqu’au Languedoc on admire se cocardier de par sa beauté admirable, sa générosité dans l’effort, sa grandeur, son charisme. Virat illumine la piste et force le respect. Ses accélérations fulgurantes, ses arrivées au bois son comme autant de souvenirs impérissables. Cette année-là le cocardier rafle tous les prix, devient une star et c’est sans aucunes contestations possible qu’il reçoit en fin de temporada le titre suprême de Biou d’or.
La saison 2003 est nettement moins bonne. Malgré quelques trophées accrochés à son tableau de marche, Virat est victime, en Arles, le jour de la finale du trophée des As d’un coup de crochet à l’œil, qui le rendra borgne. Le début d’une série de galères.
Mais nul phénix de Camargue ne peu renaitre de ses cendres… En 2004 Virat est de retour au plus haut niveau. Au sommet. Fort, puissant et plus dominateur que jamais. Sabril Allouani et Benjamin Villard seront les principaux adversaires du cocardier. Le Vendarguois offrira un quart d’heure d’anthologie le 15 aout au Grau du Roi. Qui ne se souviens pas ce cette course folle effrénée un jour de Palme d’or à Beaucaire lorsque Benjamin et Virat traversèrent la piste tambours battants, comme aimantés, jusqu’à briser ensemble les planches dans un bruit du tonnerre. Cette temporada 2004 en tout point exceptionnelle se termine par un nouveau sacre. Virat devient roi des cocardiers pour la deuxième fois en remportant le Biou d’or 2004. Hèlas lors de la finale du Trophée des As à Nîmes, nouveau coup dur. Lors d’une de ses fabuleuses poursuites, Virat heurte violemment les planches et reste groggy, la faute à un traumatisme cervical important.
Virat ne sera plus jamais le même. Il remporte bien le Trophée des Maraichers en 2005 à Chateaurenard, mais dès lors ne cesse d’alterner entre prestations brillantes et blessures récurrentes.
Son corps athlétique, de dieu grec, aura eu raison de lui, et d’une carrière qui aurait dut être bien plus grande.
En 2008, Virat s’offre une petite tournée d’adieux. Il sort à Beaucaire, puis Nîmes, mais c’est à Beauvoisin, là où tout avait commencé, que cet immense cocardier tire sa révérence, sous les yeux embués Geoffrey Barbeyrac et de son pélot de toujours, Jean-Pierre Durrieu. Benjamin Villard, sur un ultime raset, lui ravi sa dernière cocarde dans un grand coup de barrière!
Nous sommes en mars 1985, l’hiver est rude au cœur des pâturages de Camargue. La manade Lagarde est une petite manade qui peu à peu se fait une place sur l’échiquier de la course libre. Une devise en pleine ascension qui vient d’être frappé de plein fouet par la catastrophe.
Quelques années auparavant, le cheptel d’Henri Aubanel était frappé par le froid et ses animaux avaient péri, noyés dans le Vistre. Peu après, c’est la manade Raynaud qui avait vu une partie de son troupeau engloutie par une mer déchainée.
Loi des séries ou véritable crime organisé contre les sympathiques manadiers du Cailar ? Cette fois pas de doutes, les bovins ont bien été empoisonnés. Les analyses de l’eau, instrumentées par l’Ecole Vétérinaire de Lyon, le prouve : du Lemissol, un produit organophospaté a été versé dans les abreuvoirs.
Le troupeau tout entier, évidemment, en ont bu. La profondeur des abreuvoirs avait dilué le produit en proportions différentes. Certaines bêtes, notamment les cocardiers ont eu la chance d’en réchapper après des soins immédiats et longs.
La disparition d’une grande partie du cheptel des Lagarde a bouleversé l’aficion. Un véritable drame, qui montre combien l’équilibre d’une manade est précaire, surtout lorsqu’elle se trouve à la merci de mauvaises intentions humaines.
Une manade, n’est jamais à l’abri de la fureur des cieux. Combien de taureaux emportés dans par les orages ou noyés dans une rivière ? Des dangers imprévisibles, qui frappent avec brutalité. Mais que l’homme, puisse de manière totalement délibérée, éliminer la majeure partie d’une manade relève de l’immonde, de l’inconcevable.
L’enquête s’est poursuivie de longs mois, mais pour les Lagarde, pas de doutes, il était clairement question d’une main criminelle derrière tout cela. Pourquoi un empoisonnement ? La chose parait insensée, incroyable.
Le bilan est très lourd : quarante-deux vaches adultes, toutes pleines, sont mortes, ainsi que cinq gros taureaux. Quelques vieilles vaches et une dizaine de veaux s’en sont sorti, non sans peine.
Quelques jeunes bious d’avenir et les cocardiers Parpaioun, Gastaboi, Baillot ou Canaulois se sont sauvés de justesse et vont pouvoir assurer quelques engagements durant la saison.
Route de Générac c’est la stupéfaction, personne n’ose y croire. Toutes ces hécatombes ne peuvent être le fruit du hasard. La main de l’homme tranche et blesse les plus coriaces gardians de Camargue.
Les Lagarde sont abattus par cette tragédie. Le travail accompli, cette sélection rigoureusement orchestrée depuis des années viennent d’être anéantis. Et pour cause, toutes les mères sont mortes, la base est rayée de la carte.
Il fallut tout recommencer à zéro, rebâtir pas à pas tout ce qui avait été fait jusqu’alors. Avec minutie, et avec tous les traquas et aléas que cela comporte.
Le monde de la bouvine, dans un élan de générosité et de grande solidarité va se mobiliser et acheter aux éleveurs cailarens quelques vaches qui pallieront dans une certaine mesure les disparitions…
Un réconfort bienvenu pour ces jeunes manadier, courageux et dévoués, comme désemparés devant ce désastre mais qui avec toute leur énergie, la volonté et les valeurs de ces hommes de bious, ont poursuivis l’œuvre entreprise, plus de dix ans auparavant, sans jamais renoncer, ni même une seconde.
MARSILLARGUES (09/02/2020) – Retour en vidéo sur la COURSE AU PLAN – Un reportage de Dylan Reversat
AU FIL DES BARRIERES – Emission spéciale – Remise des prix Trophée 3M – Partie 2/2
Vendredi 07/02/2020 à Castries
AIGUES VIVES (08/02/2020) – Retour en vidéo sur la course d’entrainement – Un reportage de Dylan Reversat
AU FIL DES BARRIERES – Emission spéciale – Remise des prix Trophée 3M – Partie 1/2 – Vendredi 07/02/2020 à Castries
La réaction des manadiers à la « très » forte augmentation des assurances
Réunis hier matin à Nîmes, les manadiers ont décidé de contre-attaquer pour préserver la culture camarguaise bousculée par l’augmentation du prix des assurances. Pour rappel, cette augmentation « extrême » est liée à la compagnie d’assurance Groupama qui assure 80 des 120 manades. Une situation très délicate avec une cotisation jusqu’à 5 fois supérieure à 2019. Ce qui pourrait compromettre de nombreuses festivités.
D’autant plus que d’après quelques comités des fêtes contactés par Toril TV, cette incroyable augmentation pourrait toucher également les organisateurs. Par exemple, le CT de St Hilaire de Brethmas, après un appel à leur compagnie d’assurance (Groupama) a eu une bien mauvaise surprise. Son président Jérémy Novara nous explique : « Nous avons contacté notre assurance. L’an dernier, pour 2 abrivados longues, 3 bandidos et 2 encierros, nous avions payé 1050 €. Nous n’avons eu aucun sinistre. En 2020, notre assurance nous réclame 17 000 euros pour 2 abrivados longues, 3 bandidos et 2 encierros. L’abrivado longue du matin étant la plus chère car nous devrions payer 6000 € la longue ».
Une augmentation « extrême et alarmante » pour nos traditions.
Communiqué de la Fédération des Manadiers :
La situation grave qui frappe les manades, les organisateurs et l’ensemble du monde de la Camargue est la conséquence d’un choix unique, délibéré et acté, de faire évoluer les cotisations d’assurance vers une hausse démesurée.
Une manade repose sur un équilibre très fragile : impacts climatiques, accès au foncier, sécheresse et inondation, enjeux de transmission, tourisme en mutation et une activité culturelle couteuse.
Se soumettre c’est disparaitre.
Ce choix imposé par une assurance qui se voulait mutualiste, à l’écoute du monde agricole démontre le contraire pour plusieurs raisons :
Avant tout car les manadiers sont des éleveurs, des relais de premier ordre dans le maintien de la biodiversité et dans la transmission de notre patrimoine culturel.
Notre Bouvino repose sur une poignée de femmes et d’homme : 120 manades qui assurent l’élevage de 18000 taureaux et 10 000 chevaux, entretiennent 25 000 hectares en zone protégée.
L’activité des manades tient par un fil.
Cette décision de Groupama fait peser une forte menace sur l’équilibre et la vitalité économique de nos territoires, de nos régions ensoleillées par la Bouvino qui rassemble, unit et créer le lien humain.
C’est pour toutes ces raisons que j’appelle les organisateurs, les collectivités, les communes, les comités des fêtes et les clubs taurins à ne pas plier sous un esprit d’abandon.
Ainsi, je vous appelle à nous rejoindre et à nous suivre pour créer ensemble les réponses aux mêmes obstacles dressés par Groupama.
Enfin, n’oublions jamais que nous représentons une exception culturelle, tout un art de vivre qui est en péril.
Par ce procédé, Groupama s’attaque à la jeunesse, à la transmission car les abrivado (3000/an) constituent le premier accès au taureau avant d’aller aux arènes.
Le culte du taureau, dans ses territoires d’expression, pèse bien plus lourd que les 40 millions d’euros qu’il génère.
Il façonne notre société depuis des millénaires, et plus que jamais, face au risque d’une société aseptisée et déracinées, notre culture structure nos territoires.
Chacun de nous est le porteur de la culture singulière de la Camargue. C’est pour cela que c’est ensemble que je vous appelle à agir pour notre avenir.